#3 Une zone de "non droit" ?
Nouvelles réunions à Bercy. Le projet de loi se précise. Les excès de l'influence.
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TLDR ;)
4 nouvelles réunions de travail planifiées à Bercy en Février, les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta conviés
Le dernier projet de loi est débattu à l’Assemblée Nationale, mais rien n’est gravé dans le marbre (heureusement)
Du manquement éthique aux arnaques, on peut distinguer 5 niveaux de gravité dans les excès du marketing d’influence
Calendrier :
4 groupes de travail ont été planifiés en Février 2023 à Bercy pour poursuivre les échanges déjà initiés depuis le 9 décembre 2022.
Nouveauté : les deux députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta, à l’origine du dernier projet de loi, sont conviés à certaines tables rondes.
Stéphane Vojetta a par exemple participé à la dernière table ronde cette semaine, et en a profité pour rappeler sa volonté de mieux réguler le secteur du marketing d’influence, tout en précisant qu’il souhaitait participer aux échanges afin de nourrir sa reflexion et le texte qui, selon lui, n'est pas gravé dans le marbre.
Et enfin, la grande consultation publique initiée sur Make.org est clôturée. 19,000 participants. 4,700 commentaires, 78,000 reactions… Make.org rendra son analyse la semaine prochaine.
Que penser du nouveau projet de loi ?
La dernière proposition de loi (la n°790), qui “vise donc à mettre fin aux arnaques et autres dérives de certains influenceurs sur les réseaux sociaux”, est accessible en ligne ici.
Je reviendrai plus en détail sur le contenu de cette proposition de loi dans une prochaine newsletter, cependant il est à noter que :
Contrairement à ce qui y est indiqué, le marketing d’influence n’est pas aujourd’hui “une zone de non droit” et répond déjà aux règles de protection des consommateurs. En revanche, la nature même des réseaux sociaux rend la surveillance et la repression complexe (en tout cas beaucoup plus complexe que ce que les organismes concernés ont dû affronter jusqu’à présent).
Les excès évoqués sont regrettables et doivent être sanctionnés, et ils portent préjudice à notre jeune secteur. Néanmoins ils sont le fait d’un nombre limité d’individus peu scrupuleux (pour la plupart des arnaques), ou parfois tout simplement peu informés (pour les excès les moins graves).
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : sur 150,000 KOLs avec une audience significative en France, seules quelques dizaines ont choisi de s’installer hors de France (Dubaï entre autres).
Il ressort des tables rondes que les “plateformes” (les réseaux sociaux) semblent déjà collaborer activement avec les “autorités compétentes” pour permettre 1- soit aux utilisateurs de signaler des contenus, 2- soit aux autorités de demander la suspension de comptes ne respectant pas la loi. On peut/doit probablement faire mieux, les plateformes ne semblent en tout cas pas vouloir se positionner en tant qu’organes de contrôle et de surveillance (c’est probablement une bonne chose).
La formation aux risques numériques dispensée dans les établissements scolaires est un véritable sujet de société, et les sujet des influenceurs, de la manipulation et de l’escroquerie sont déjà abordés par des associations comme Génération Numérique (que nous soutenons financièrement chez Kolsquare depuis 2021)
Excès de l’influence : de quoi parle-t-on ?
Du manquement éthique aux arnaques, il convient de distinguer les niveaux de gravité des excès du marketing d’influence en France.
Dans ses contributions aux tables rondes, Kolsquare a proposé 5 catégories d’excès :
Manquements éthiques : de nombreux KOLs ont recours à
l’achat de followers pour gonfler artificiellement la taille de leur communauté (et donc attirer plus de partenaires), mais aussi à
l’achat de likes ou de commentaires pour augmenter artificiellement la portée de leurs contenus (plus un contenu est liké ou commenté, plus les algorithmes les favorisent), ou encore
la médiatisation d’un post (via la régie publicitaire du réseau social) pour augmenter la diffusion du contenu (sans que le donneur d’ordre en soit informé),
aux pods (groupes d’influenceurs qui vont liker et commenter les contenus des membres du groupe) pour également augmenter la diffusion du contenu
Sans être interdites, ces pratiques trompent tout le monde (les réseaux sociaux, les utilisateurs des réseaux, les marques, les agences, les associations, etc.) et desservent notre secteur.
Manquements à la transparence : la transparence est obligatoire lorsqu’un KOL collabore avec un donneur d’ordre (marque, ONG, etc.) de manière conditionnée (production d’un contenu en l’échange d’un produit, service ou d’une rémunération).
La mention de la collaboration commerciale doit être explicite (le #ad ne suffit pas par exemple) et instantanée (au début du post idéalement).
La DGCRF effectue de nombreux contrôles, et ne pas révéler l’intention commerciale peut être punie d'un emprisonnement de 2 ans et d'une amende de 300 000 € (Art. 20 de la LCEN). La marque, l’agence et le KOL peuvent être responsables !
Manquements aux règles du commerce : de nombreux secteurs régulés (alcool, jeux d’argents, produits financiers, santé, …) nécessitent des mentions légales obligatoires dans toute publication d’un KOL.
Par exemple dans le cadre de la publicité pour l’alcool (loi Evin), la sanction encourue est une amende maximale de 75.000 euros (375.000 euros si c'est une personne morale qui est condamnée), ce maximum pouvant être porté à 50 % du montant des dépenses consacrées à la publicité illégale (ce qui pourrait être très largement supérieur à 375.000 euros).
Pratiques commerciales déloyales ou trompeuses : il n’est pas rare de voir des KOL faire la promotion des nombreux avantages de produits ou services afin d’inciter leur audience à les acheter. Comme dans toute promotion commerciale, ils sont tenus de diffuser des informations exactes et complètes sur :
le niveau de promotion
l’origine du produit
le nombre de visites ou de commandes déjà réalisées
les délais de livraisons
etc.
De même, les “faux” avis rédigés par un KOL sont interdits et peuvent être punis.
Produits défectueux et arnaques : c’est le cas le plus grave, qui relève la plupart du temps de la responsabilité de la marque, mais aussi parfois du KOL qui fait le choix de la promouvoir (qu’il en soit conscient ou non).
Il me semble qu’il faut distinguer les cas où ces escroqueries seraient organisées conjointement avec les influenceurs (ce sont les cas les plus médiatiques, comme le cas du couple Blata récemment médiatisé), des cas où l’influenceur n’a pas été assez précautionneux et a fait la promotion d’une arnaque sans s’en rendre compte (ce qui est non seulement au détriment de ses followers lésés, mais aussi à son détriment car il va perdre toute crédibilité).
Dernier cas en date : le Youtubeur et "formateur" en ligne Olivier Allain, qui se revendique comme un "expert du e-commerce", a été condamné à une amende de 40.000 euros pour pratiques commerciales "trompeuses".
J’espère que cette newsletter vous a plu.
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