Les influenceurs sont ils seuls responsables ?
Interdire l'influence aux mineurs. Fiscalité. Responsabilité des marques et des agences. Résultats de la consultation publique. Droits & Devoirs des influenceurs (charte).

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TLDR ;)
Les tables rondes se poursuivent : influenceurs mineurs, seuil de follower pour devenir “influenceur”, propositions du dernier projet de loi, responsabilité des agents et agences, … rien n’est simple, mais tout est important, et beaucoup de choses semblent encore à clarifier.💡
Plutôt que d’interdire le marketing d’influence à tous les secteurs déjà régulés (produits financiers, formations, alcool, etc.), ne faudrait-il pas plus de moyens pour appliquer les lois existantes : communiquer sur ces lois, et sanctionner les excès ?
Premiers résultats de la consultation influence Make.org
Au delà d’une éventuelle loi, les acteurs doivent réfléchir à une charte déontologique pour les influenceurs, et pourquoi pas à un statut : proposition ci-dessous ⬇️
Les deux dernières tables rondes à Bercy ont porté sur plusieurs points clés qui pourraient être intégrés dans une éventuelle loi, et qui sont toujours en discussion :
Faut il interdire l’influence commerciale aux mineurs ?
A priori la loi Studer (2020) protège déjà partiellement les mineurs : obligation de passer par une agence de mannequin, argent séquestré jusqu’à la majorité, obligation pour les plateformes de sensibiliser les mineurs. Elle devrait cependant être élargies à tous les influenceurs (et pas seulement aux plateformes vidéos type Youtube). Pas nécessaire cependant d’interdire aux mineurs, car préjudiciable à la créativité et au développement du secteur, et probablement inapplicable. Mais une meilleure sensibilisation est souhaitable.
Est-ce qu’un influenceur qui a moins de 1000 followers doit avoir moins d’obligations qu’un influenceur de plus de 1000 followers ?
Existe-t-il un seuil de followers au delà duquel les devoirs et les droits d’un “influenceur” s’appliquent ? Plutôt qu’un nombre de followers (qui n’est pas très représentatif car il existe des KOLs de “niche” mais très influents), il semble que c’est en réalité le caractère principal ou significatif de l’activité et des revenus du KOLs qui doivent être pris en compte. Les choses restent à clarifier.
Quelle est la nature fiscale des rémunérations en nature (envois de produits par exemple) ?
C’est un sujet 1- qui représente une part importante des collaborations marques x KOLs (on parle de seeding) ; 2- qui concerne à la fois les entreprises (qui doivent déclarer toute rémunération ou dépense) et les KOLs (qui doivent déclarer toute rémunération ou avantage en nature).
Mais tous les produits offerts doivent-ils être déclarés quelques soient leurs valeurs ? (si je reçois un rouge à lèvre qui coute 10€ par la poste par exemple)
Est-ce que la déclaration est nécessaire à partir d’une certaine valeur, d’un certain volume ou d’une certain fréquence ? Ces seuils sont applicables à tous les produits ou services offerts (en les cumulants, toutes marques confondues), ou pour chaque marque seulement ? Les choses restent à clarifier également.
Faut-il exiger la représentation légale de tous les influenceurs par un agent en France ?
Cette proposition cible les influenceurs qui habitent à Dubaï ou dans d’autres paradis fiscaux (qui rappelons le se comptent en dizaines seulement).
D’un côté il y a les enjeux fiscaux pour l’Etat (localisation de la majorité des revenus, localisation de la famille et de ses activités physiques, conventions fiscales, etc.).
De l’autre il y a les enjeux légaux liés aux arnaques difficile à sanctionner quand les personnes sont hors du territoire Français (et dans ce cas la loi Française s'applique dès que la victime est sur le sol Français).
Dans tous les cas, cette mesure semble difficile à imposer et à appliquer : 1- La plupart des KOLs n’ont pas d’agent ; 2- Il n’est pas aisé de définir ce qu’est un influenceur Français (et donc soumis à cette mesure).
Faut-il un principe de co-responsabilité des contenus (influenceur, agence, annonceur) ?
C’est l’idée d’une responsabilité civile et solidaire du fait des dommages causés aux tiers, entre annonceur, influenceurs et agences. Pas simple. Exemple : l'influenceur a utilisé une musique dans un contenu “sponsorisé”, sans en avoir les droits. Qui est responsable ?
Il semble que les annonceurs reçoivent régulièrement des plaintes, et il faut qu’ils puissent prouver qu’ils n’ont pas donné leur accord (et donc qu’ils ne portent pas la responsabilité).
La plupart du temps l’influenceur est seul responsable (c’est lui qui choisit de diffuser son contenu).
Parfois les KOLs peuvent partager la responsabilité avec l’agent et/ou l’agence et/ou le donneur d’ordre (notamment lorsqu’ils valident les contenus avant diffusion, ou précisent dans les contrats / guidelines certains éléments très précis qui sont en cause). Mais dans ce cas, comment le démontrer juridiquement ?
Faut-il interdire le marketing d’influence pour certains secteurs ?
Cela semble être le sujet principal remonté de la consultation publique Make.org (voir ci-dessous). Faut-il interdire le marketing d’influence pour les secteurs du tabac, alcool, jeux d’argent, placements financiers, crypto-monnaies, … ?
Le cadre juridique est déjà très étoffé sur ces secteurs régulés, mais leur application au secteur de l’influence pourrait être clarifiée / mieux communiquée. Il faudrait surtout plus de moyens pour le contrôler, et appliquer des sanctions.
Je reviendrai plus en détail sur ce sujet de l’interdiction lors d’une prochaine Newsletter.
Premiers résultats de la consultation publique Make.org
La grande “Consultation Influenceurs” sur Make.org a enfin livré ses premiers résultats cette semaine (source “Synthèse du rapport de concertation - Bercy influenceurs” de Make.org partagée le 15/02/2023 avec les participants des tables rondes).
18 974 participants, qui ont commentés les 12 mesures proposées, 4 647 commentaires, 77 855 réactions… la concertation semble avoir dépassé les attentes en termes de participation, avec une mobilisation très forte du grand public et de l’écosystème.
Des priorités citoyennes qui se dégagent : une intervention forte de l’Etat pour encadrer cette activité, avec contrôles et sanctions des parties prenantes, labellisation/certification, interdiction des produits, mais également des priorités autour des notions de transparence et de bonnes pratiques.
Ce rapport (encore préliminaire) va servir à alimenter les réflexions et les mesures qui seront mises en place.
Droits & Devoirs des influenceurs ? Statut + Charte.
Plutôt que de chercher à tout interdire, ne faudrait-il pas créer un statut pour les influenceurs, avec une charte déontologique distinguant leurs devoirs et leurs droits ? 🤔
Lors de la première réunion à Bercy sur les droits et les devoirs des influenceurs, j'ai proposé une idée qui me tient à coeur et qui me semble être une solution de bon sens pour répondre aux enjeux d'harmonisation et d'assainissement des pratiques :
📣 la création d'un statut d'influenceur
📃 la rédaction d'une charte déontologique (inspirée de la charte de Münich de 1971, référence Européenne concernant la déontologie du journalisme)
La création d'un statut d'influenceur s'accompagnerait :
d'une définition claire de ce nouveau métier (qui ne serait pas limitée à la relation commerciale éventuelle avec des marques, mais intégrant également la dimension créative et médiatique)
d'une définition claire des typologies de collaborations entre un influenceur et un donneur d'ordre (tout ne relève pas de la publicité)
d'un statut fiscal clarifié (permettant par exemple de mieux intégrer la réalité de ce métier, je pense aux frais et aux compensations en nature)
Rédigés dans un style direct et concis 🤜 , pour être accessibles à tous, les articles de la charte devraient tenir sur une page 📄 . Concret et pratique, ce texte serait un guide utile à l'exercice du marketing d'influence au quotidien, pour les influenceurs, et pour de nombreuses contre parties (agents, agences, annonceurs, associations, etc.).
Cette charte serait applicable au niveau international 🌎 (au moins Européen), et ne limiterait pas les efforts de régulation du secteur au simple territoire français 🇫🇷 (les campagnes d'influence marketing sont par nature sans frontière).
Il existe déjà des initiatives inspirantes en terme de charte sectorielle, je pense notamment à :
la charte éthique de l'agence WOÔ, qui est assez exhaustive (elle s'adresse aussi bien aux annonceurs, et aux agences), et ne s'adresse donc pas seulement aux influenceurs
la charte de la relation influenceurs co-signée par le SYNAP (Syndicat National des Attachés de Presse et Conseillers en Relations Publics) et le SCRP (Syndicat du Conseil en Relations Publics), qui s'adresse aux agences
l'infographie de l'ARPP - Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité sur les bonnes pratiques à destinations des influenceurs, mais qui reste pédagogique et limitée aux règles de transparence
la charte des valeurs influenceurs de L'Oréal (qui engage l'Oréal ET les influenceurs), et qui existe aussi au niveau international (en anglais ici)
la charte Kid'Influenceurs d'Hasbro et de la FJP (Fédération française des industries Jouet - Puériculture)
etc.
Mais aucune ne me semble répondre totalement à cette idée, et surtout toutes ces (excellentes) initiatives sont diffuses.
Voici donc une première proposition pour cette charte de déontologie du marketing d'influence, à destination des influenceurs.
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