Une loi "Influenceurs" fin Mars ?
L'Assemblée accélère. Comment définir un "influenceur" ? Marketing d'influence = publicité ?
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TLDR ;)
Les démarches à l’Assemblée Nationale s’accélèrent et on semble se diriger vers une loi fin Mars
Tellement de sujets à évoquer que j’ai également décidé d’accélérer la fréquence de cette newsletter :)
Le terme “Influenceur” va probablement rester, mais il a été galvaudé et il va falloir s’habituer à parler de “Créateur de Contenu”, voire peut-être même de “KOL” ?
Il n’est pas simple de définir ce qu’est un “influenceur”, et il semble que le “caractère principal” de son activité soit la meilleure approximation.
Un influenceur sera dit “Français” si une part significative (30%?) de son audience au moins est basée en France. Mais quelles données feront foi ?
Il y a beaucoup de pédagogie à faire pour faire comprendre la diversité des cas lorsqu’un influenceur mentionne une marque : cela peut être spontané, suggéré, contractuel… et seuls quelques cas réellement sont assimilables à de la publicité.
Les choses s’accélèrent
Va-t-on vers une loi votée fin mars ?
Au delà des échanges à Bercy organisés par le Ministère de l'Économie, on se dirige vers une étude de projet de loi à l’Assemblée Nationale (seule habilitée à légiférer rappelons le), et ce dès début Février.
Jusqu’ici 3 projets de lois (PPL) avaient été déposés.
Un 4ème désormais tient la corde, porté conjointement par les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (Renaissance) qui l’ont présenté à la presse mercredi 25 janvier. Il semble que ce projet soit soutenu par Bercy.
Dans les prochaines semaines, le texte sera examiné en deux temps dans l’hémicycle.
Le 9 février (lors de la niche parlementaire du PS), ce sera le texte initial d’Arthur Delaporte
Le 27 mars, ce sera le texte complet
En parallèle, mi février, les résultats de la consultation publique sur Make.org seront également rendus publiques, et les échanges des tables rondes de Bercy seront probablement partagés avec les parlementaires travaillant sur le sujet (qui ont eux même auditionné de nombreuses parties prenantes).
Faut-il utiliser le terme ”Influenceur” ?
Influenceurs, Instagramers, Youtubers, Streamers, TikTokers, ambassadeurs de marque, célébrités, blogueurs, talents, créateurs de contenu (ou simplement créateurs), ... ou bien encore KOL (Key Opinion Leaders).
Lors des tables de ronde à Bercy il a été question à de plusieurs reprises de terminologie :
“Influenceur” est trop souvent associé à la TV réalité, et le terme a été galvaudé, désormais associé à tous les excès dénoncés… mais il parle à tout le monde.
« Instagramer », « Youtuber », « Streamer » or « TikToker » : ça ne correspond plus à la réalité du marketing d’influence en 2023, où la plupart des influenceurs sont présents sur plusieurs plateformes
“Créateurs de Contenus” est le terme employé par tous les réseaux sociaux, et il reflète bien une partie du métier d’influenceur qui consiste à créer des supports originaux (qu’ils soient associés à des marques ou non). On parle d’ailleurs désormais de “Creator Economy”. Mais ce terme est restrictif (un “créateur de contenu” comme un copywriter n’est pas forcément un “influenceur”), et il omet toute la part médiatique de l’influenceur, avec son audience, et son pouvoir d’influence.
“Key Opinion Leader” (ou KOL) parait plus adapté (c’est le K.O.L de Kolsquare :-), car le terme le plus utilisé en Chine (pays berceau du marketing d’influence), et à l’international dans les secteurs pionniers sur ce levier (cosmétique, mode, luxe, …). Il intègre bien toutes les dimensions possible de ce que sont les influenceurs digitaux en 2023.
Sans surprise, le terme “influenceur” continue à être utilisé majoritairement dans les discussions, mais vous aurez remarqué que le terme “Créateur de Contenus” fait son apparition (notamment dans les communications du Ministre Bruno Le Maire annonçant la consultation publique).
Bientôt l’heure des KOLs ? :)
Q’est-ce qu’un Influenceur ?
C’est une des deux questions de base (la deuxième concernant les typologies de mentions, voir ci-dessous).
Sur quels critères peut-on considérer qu’un individu rentre dans la catégorie “influenceur”, et que donc des règles spécifiques lui sont applicables ?
Est-ce lié à un nombre de “followers” ? C’est assez arbitraire. De nombreux KOLs aux communautés très significatives (>1M followers) ne collaborent quasiment jamais avec des marques. D’autres au contraire avec de très modestes communautés (<3000 followers) mentionnent de très nombreuses marques.
Est-ce lié à ce qu’on pourrait définir comme son “activité principale” ? C’est peut être plus logique. Certains KOLs ont fait du marketing d’influence leur activité principale, ou en tout cas significative, là où d’autres ne le font que de manière occasionnelle.
Et que faire dans le cas des influenceurs “virtuels” (inventés par des humains, voire dont les contenus sont automatisés par des Intelligences Artificielles), ou des influenceurs “animaux” par exemple ?
Et par ailleurs, qu’est-ce qu’un influenceur “Français” ? Les réseaux sociaux sont par nature sans frontière, comment pourra-t-on définir qu’un influenceur est Français et que la loi Française s’applique à lui/elle ? Il a été question de prendre en compte la composition géographique de leur communauté, par exemple en considérant qu’un KOL ayant +30% de son audience en France est considéré comme “Français”.
Dès lors, quelles sont les données qui font foi pour déterminer ce pourcentage ? Celle des réseaux sociaux ou celles de plateformes “neutres” comme Kolsquare ? Doit-on considérer les followers (les abonnés), ou les likers (qui sont les plus engagés) ? Sur une plateforme comme Youtube par exemple il faudrait plutôt analyser les personnes qui regardent les vidéos. Avec cette approche, le diable est dans le détail.
Il a aussi été question d’un statut d’influenceur, qui s’accompagnerait de droits et de devoirs.
Ce statut pourrait-il aller jusqu’à un statut fiscal ? Pas si évident selon Bercy qui dit vouloir éviter une trop grande complexité administrative, et surtout une baisse éventuelle de ses recettes. Mais sans forcément réduire la fiscalité, ce statut fiscal permettrait peut-être de clarifier la situation des influenceurs face à l’administration fiscale (notamment pour la prise en compte des frais inhérent au métier - déplacement, habits, etc.).
5 types de collaborations
Lorsqu'un "influenceur" mentionne une marque, est-ce de la publicité ? 🤔 Pas si simple :)
Le député Aurélien Taché, dans sa première proposition de loi, avait proposé une formulation qui n’a pas (du tout) fait l’unanimité. Il parlait de “caractère laudatif” d’une publication, ce qui n’est pas du tout approprié aux mentions spontanées d’une quelconque marque par un influenceur (qui relève plutôt de la liberté d’expression).
Dans cet objectif de régulation du marché, c'est un point central qui conditionne les règles applicables, la responsabilité des contenus publiés et les sanctions potentielles.
Il faut donc bien comprendre les différents types de mentions de donneurs d'ordres (parlons de "donneur d'ordre" plutôt que de "marque", car les KOLs peuvent mentionner également une ONG, un organisme publique, ...).
Chez Kolsquare nous distinguons 5 mentions :
1- Spontanée 💦 :
Mention spontanée dans un des contenus (par écrit ou oral).
Ex: je dîne dans un restaurant avec qui je n’ai aucune relation particulière, j’en parle dans un post ou une vidéo.
C'est un grand nombre des mentions, probablement la majorité.
👉 Aucune règle ne s'applique (liberté d'expression)
2- Suggérée 💄 :
Mention suggérée par le donneur d’ordre (produit gratuit, invitation soirée, etc.) mais non conditionnée.
Ex: Je dîne dans un restaurant dans lequel j’ai été invité, j’en parle dans un post seulement si je le souhaite.
C'est un grand nombre des mentions impliquant une démarche proactive du donneur d'ordre (ou de son agence), les influenceurs recevant régulièrement des produits "gratuits" sans l'avoir demandé.
👉 Aucune règle ne s'applique (comparable aux relations presse)
3- Affiliation 💶 :
Mention spontanée, dans le cadre d’un programme d’affiliation.
Ex: je fais la promotion d’un restaurant dans un post ou une vidéo en mentionnant un CODE PROMO ou un lien tracké qui me permettra d’être rémunéré (suivant l'utilisation du code promo ou les clicks sur le lien).
Concerne essentiellement les influenceurs aux communautés les plus modestes (qui acceptent plus facilement d'être rémunérés à la performance), et ils sont les plus nombreux. Les technologies d'affiliation sont très développées à travers le monde.
👉 Mention obligatoire du partenariat (lignes directrices Européennes UCPD)
4- Contractuelle ✍ :
Mention conditionnée à une contre-partie (produit, invitation, rémunération, etc.)
Tout le monde pense à cette catégorie quand on parle marketing d'influence, mais ce n'est pas du tout la majorité des mentions actuellement (mais augmente très fortement car l'influence devient un véritable media).
👉 Mention obligatoire du partenariat (règles de l’ARPP)
5- Contractuelle validée ✅ :
Comme pour la précédente, mais le contenu est en plus validé par le donneur d’ordre avant publication.
👉 Mention obligatoire du partenariat (règle de l’ARPP) + règles de la publicité
Pour aller plus loin : on peut aussi envisager que la relation et les responsabilités sont plus fortes encore lorsque
le post du KOL est “boosté” sur le réseaux social via de l’achat media (on parle de “Whitelistening”),
le post est publié de manière alternative via le “Darkposting” : le post est bien émis par le compte de l’influenceur en collaboration avec une marque, mais il n’apparait pas dans son feed
J’espère que cette newsletter vous a plu.
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